Parcelle de ciel
Quand le ciel se dégage et que l'on y voit un peu plus clair
Parcelle de ciel
- Il est temps pour moi de dire les choses
- Il existe en chacun de nous une parcelle de ciel
- Je produis quelque chose dont je ne suis pas complètement conscient
- Il y a d’abord cette énergie qui vient du fond de l’espace
- Cette idée que nous ne sommes pas au centre
Il est temps pour moi de dire les choses
Il est temps pour moi de dire les choses, sans doute parce que je me sens libéré de toute forme d’ambition. Plus le moindre enjeu à parler si ce n’est celui de parvenir à exprimer une démarche et à voir plus clair en moi-même.
Dire les choses simplement. Comme cela peut prendre du temps. Nous sommes tous un peu pluriels. Il y une pluralité d’êtres qui s’agitent en nous. Des aspects de nous qui ne parviennent pas à s’écouter, à se comprendre, à s’accorder.
Il faut du temps pour gagner en clarté. A l’image d’une surface d’eau qui laisse passer les bourrasques et retrouve progressivement sa dimension plane. Le miroir se reforme et l’image du ciel se reflète. Alors seulement on commence à voir...
Il existe en chacun de nous une parcelle de ciel
Il existe en chacun de nous une parcelle de ciel que nous ne savons pas nommer mais qui existe pour de bon. On peut la percevoir comme une source de lumière, un foyer rayonnant dans toutes les directions, au plus haut comme au plus bas. Cette source vit, respire, palpite et nous laisse entendre, de temps à autre, sa note unique. Bien au-delà de la marionnette qui s’agite, qui parle, qui pense et qui pose, c’est là, très certainement, que se loge notre véritable identité.
Je produis quelque chose dont je ne suis pas complètement conscient
Je produis quelque chose dont je ne suis pas complètement conscient mais qui se construit et qui a sa forme propre. Avec le recul j’en découvre les lignes de force. Ce n’est qu’avec le recul que je peux les décrire, jamais dans le moment où cela se produit.
Je ne me suis jamais senti totalement créateur, mais plutôt acteur. Je n’agis pas, je suis agi. J’endosse un rôle que je n’ai pas écrit mais qui me parle et que je suis en mesure d’interpréter.
Le vrai créateur, c’est l’autre, pas moi. L’autre me souffle ses idées. Je me contente de les entendre et de les jouer plus ou moins bien.
Ma responsabilité c’est de bien entendre et de bien voir. Souvent c’est une phrase, quelque fois une image. Toujours dans une ambiance particulière qui fait que je sais que cela vient d’ailleurs et pas de moi. Il y a eu beaucoup de perte, de mots perdus, d’images non réalisées... Mais j’essaye de m’améliorer. J’essaye de traduire cette impulsion qui vient d’ailleurs, de cet autre plus conscient, plus libre et plus joueur, de cet autre qui s’adresse à moi et que je salue de loin.
Il y a d’abord cette énergie qui vient du fond de l’espace
Il y a d’abord cette énergie qui vient du fond de l’espace et qui a sa vie propre. Des formes abstraites d'une grande finesse inspirées par des courbes mathématiques. J’ai commencé à associer des courbes simples entre elles pour créer des modèles de plus en plus riches.
En 1984, je commence à développer une arborescence de modèles dont les plus récents découlent des plus anciens. C’est une généalogie de formes que je peux retracer pas à pas.
Dès le début, les formes tournaient sur elles-mêmes. J’ai réalisé bien plus tard qu’en réalité ce n’était pas elles qui tournaient mais moi qui tournais autour d’elles.
Ce que j’ai mis en place s’apparente à une forme de synchronisation. Je me synchronise avec un ciel, une immensité profonde, une source de vie et de lumière aux motifs infinis.
Se sentir en rotation autour d’une source, c’est une sensation importante. Cela veut dire que je ne suis pas le centre. En tant qu’être conscient, je suis et je reste à la périphérie de ce centre. Le centre est ailleurs. Le centre c’est ce ciel.
Cette idée que nous ne sommes pas au centre
Cette idée que nous ne sommes pas au centre mais à la périphérie d’un centre, c’est toute l’histoire en sciences de l’héliocentrisme. Je crois être au centre puisque je vois le soleil tourner autour de la terre. Ça c’est l’évidence. Mais l’évidence est trompeuse. La réalité c’est que nous sommes en rotation autour d’un point fixe, notre soleil, qui lui-même est en rotation autour d’un point encore plus lointain, le centre de notre galaxie, à chercher quelque part dans la direction du sagittaire.
Dans le domaine de la spiritualité, le centre aussi est ailleurs. C’est l’âme des chrétiens, l’Atman des indous, le vrai Soi par opposition à l’ego.
Ma pratique, de manière tout à fait inconsciente, a des correspondances avec une démarche spirituelle. Dans cette approche, l’existence prend tout son sens quand on se détache des contingences de la vie incarnée pour nous tourner résolument vers la lumière de l’âme.
Dans un texte anonyme du 17ème, je retrouve pleinement cette idée :
« Notre âme nous donnera sa lumière, nous la conservera et l’accroitra en nous par les actes qu’Elle nous en fera faire. La lumière appelle la lumière. »
Quel appel ! Quelle invitation à se synchroniser avec ce centre inspirant.
Engager le corps
- Engager le corps dans l’espace méditatif
- Le sens de mes recherches sur le relief
- Dans ma série « corps et Lumière »
- Le cycle des installations commence
Engager le corps dans l’espace méditatif.
Engager le corps dans l’espace méditatif. C'est une constante dans ma pratique. Parce que le corps, le ressenti corporel a beaucoup d’importance et qu’il est une clé pour aller plus loin dans l’expérience. Le corps est la clé pour ouvrir l’espace intérieur… En lettres capitales dans une de mes notes.
Le sens de mes recherches sur le relief
Le sens de mes recherches sur le relief : parvenir à engager la tête toute entière pour passer de l’autre côté de l’image. Plonger dans un espace immersif, intérieur et quasi tactile.
Fin des années 80, je prenais des diapos de mes images sur écran. Avec un décalage de quelques degrés on parvient à créer une sensation de relief très vive. Parallèlement à mes études je donnais des cours de maths à des collégiens ou des lycéens. J’avais mon stéréoscope sur la table et un enfant de onze ou douze ans m’avait demandé la permission de jeter la tête dedans. Son cri de surprise et l’expression de son visage dans l’appareil valaient toutes les critiques du monde. L’instant d’après il s’en voulait de s’être autant laissé aller et me demandait ce que c’était.
A la cinémathèque de la faculté de Censier, 1997 je crois, je testais mes premiers films en vision croisée. Seule une partie de la salle parvenait à voir les images en relief et l’exprimait bruyamment. Les autres pensaient que c’était une blague.
Saut de 27 ans dans le temps. Ce désir du relief ne m’a pas quitté. Je l’ai testé dernièrement avec un stéréoscope de 1895 à la galerie Abstract project en mai 2024. La vidéo se lançait sur mon portable. Le portable était calé dans l’emplacement prévu à la photo en relief sur papier cartonnée. Deux technologies se regardaient alors comme dans un miroir avec une ellipse de près de 130 ans entre les deux.
Prochaine étape avec mon partenaire de création, l’ami et artiste Mâa Berriet : produire les deux images en même temps, œil droit, œil gauche, avec un décalage d’angle adéquat afin les voir en relief et en temps réel. L’avantage du temps réel est de pouvoir agir sur tous les paramètres des images pour améliorer à l'infini la composition et produire une expérience sensorielle unique.
Le relief et sa sensation d’immersion est une piste importante pour engager le corps dans l’espace.
Dans ma série de films « Corps et Lumière » (2000 - 2003), on voit nettement le corps à la recherche d’un contact avec la lumière. Dans cette rencontre, le corps se renouvelle, devient une onde en mouvement, entre dans une danse qui est le prélude d’une union plus étroite avec la lumière. Les danseurs que je filmais avaient toute liberté pour se mouvoir. Ce que je voyais dans l’œilleton de ma caméra me ravissait d’autant plus que je le découvrais dans l’instant.
Le cycle des installations commence en 2004 juste après ma série "Corps et Lumière". La peau sur laquelle je projetais m'a donné le désir de projeter sur les matériaux les plus divers : le lycra, la résine, l'altuglas, l'acier, le verre. Je dispose d'un terrain de jeu bien plus vaste. Le dispositif n'est plus cinématographique, il mute. Les spectateurs arpentent un espace à explorer et le découvre par le toucher. Lors des expositions, je me place en retrait et j'observe leur manière de s’approcher. J'attends le moment propice où je verrai une main avancer pour effleurer les matériaux sur lesquels glisse la lumière. C'est ce contact qui m'attire, ce moment où un dialogue se renoue entre le corps et la lumière. Un dialogue qui a tout du mystère pour moi mais que je cherche à mettre en scène et à partager. Renouer le dialogue entre le corps et la lumière. C'est le dénominateur commun d'installations comme Altair (2007), Univers-îles (2013), Buste Métaphysique (2017), Zen Garden (2020) ou encore Icare (2021).
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