Démarche

Mon travail a débuté en 1992 avec la série des Derviches, laboratoire de formes abstraites générées à l’aide de modélisations mathématiques. Ces modèles sont conçus dans chaque œuvre comme des unités plastiques indivisibles. Derrière chaque film ou chaque installation, c’est toujours un unique modèle qui agit.
Toute ma pratique repose sur une conviction : l’idée que ces modèles sont des entités possédant une dynamique propre, un mode d’être singulier. L’enjeu consiste à rendre possible une rencontre à la fois sensible, esthétique et subjective avec ces épures mathématiques.

Derviches, 1992 – 2005
– S’INSPIRER DES LOIS DE LA PHYSIQUE POUR RECONSTRUIRE LE CIEL –
D’une manière totalement inconsciente je suis parti du langage mathématique présent dans les lois de la physique. J’en ai isolé quatre. Ce quaternaire mathématique est devenu ma matière première, les briques élémentaires de mon univers visuel. 
Avec ces quatre briques, je reconstruis le ciel.
Dès les premières années j’ai pu développer des centaines de modélisations mathématiques. Je rassemble depuis la totalité de ces modèles sous la forme de courtes séquences donnant une idée du potentiel de chacune et je reviens toujours à ce vivier potentiellement infini de formes pour développer de nouvelles créations.
Il existe un fil ténu dans l’élaboration de mes modèles. Les plus complexes dérivent toujours de modèles précédents, sélectionnés eux-mêmes pour leurs caractéristiques plastiques, quantité d’autres ayant été écartés pour des raisons purement subjectives. Cet éventail de formes se développe ainsi par morphogenèse en une arborescence fournie, et une sorte de fluide à la fois esthétique et mathématique semble circuler entre toutes ces générations de modèles.
Derviches, 1992 – 2005
– VISUALISATION –
Une fois un modèle choisi, j’explore longuement ses possibilités plastiques. Grâce au programme informatique que j’ai développé j’ai pu définir trois grandes familles de paramètres me permettant de moduler les modes d’apparition du modèle.
Pour mieux comprendre ces modes d’apparition, je parle ici de paramètres de métamorphose et de paramètres de position.
Paramètres de métamorphose :
 le modèle est constitué d’une série de variables numériques sur lesquelles j’interviens à l’aide d’algorithmes simples. Ces algorithmes visent à modifier la valeur d’une variable particulière dans une infime proportion. Le résultat à l’image est une modification progressive de l’état initial, une métamorphose de son aspect – difficile et même impossible à décrire – que je découvre puis avec laquelle je me familiarise visuellement. Pour donner un ordre d’idée, un modèle assez complexe peut être constitué d’au moins deux à trois dizaines de ces variables… C’est autant de métamorphoses avec lesquelles il me faut compter.
Paramètres de position :
 au regard des paramètres de métamorphoses, les paramètres de position sont bien plus simples à appréhender. Il s’agit d’algorithmes visant à définir la taille et l’angle avec lesquels le modèle se présente dans un instant précis de ses métamorphoses.
Quand je travaille sur un modèle particulier je m’efforce d’abord de m’approprier l’ensemble de ses caractéristiques plastiques. Je passe ainsi le plus clair de mon temps à explorer les plis et les replis de l’univers qui résulte du modèle choisi et je renouvelle régulièrement cette expérience. Visualisation, c’est pour moi le maître mot de cette phase d’appropriation des caractéristiques plastiques du modèle. Les modes d’apparition du modèle m’ouvrent ainsi une fenêtre sur son mode d’être.
Viens le moment où le sentiment d’un lien se crée avec cette improbable entité appelée « modèle ». Puis ce sentiment se mue progressivement en la certitude d’une connaissance : un contact intérieur, clair et précis, s’établit avec le modèle. Le travail de visualisation s’achève ici. Dès lors l’enjeu sera pour moi de parvenir à faire partager l’expérience de ce contact au moyen d’un film ou d’une installation.